Donald Trump a déclaré la guerre à l’Europe, et celle-ci envisage de répliquer en augmentant les droits de douanes de 25% à 50% sur de nombreux biens de consommation, notamment sur le houblon américain, dont les brasseurs européens ont 4000 tonnes en 2023 (Eurostat HS 1210)
L’U.E a lancé une consultation pour construire sa réponse à l’augmentation de droits de douanes du président américain, ouverte jusqu’au 10 juin, permettant aux producteurs de houblon, et brasseurs d’exprimer l’impact que ces mesures auraient sur leur activité.
A court terme, si ces mesures entraient en vigueur, le prix de la pinte de bière pourrait augmenter, mais toutes les bières ne sont pas logées à la même enseigne, si l’augmentation serait de 0.5 à 1 centimes d’euros pour une pinte (50cl) de lager, elle serait de 8 à 10 centimes d’euros pour une pinte de NEIPA (New England IPA).
Si les styles houblonnés (IPA, NEIPA) sont plus impactés, c’est autant par leur usage plus important de houblon (5 à 12g par litre vs 1 à 2 g par litre pour une lager) que par l’usage de variétés spécifiques produites aux USA, souvent protégées par des brevets empêchant leur culture en Europe : les fameuses Citra©, Amarillo™, Simcoe®, Mosaïc®.
Quant aux variétés utilisées dans les Lager ou “bières blondes” (Tradition, Perle, Spalter, Strisselspalt, Fuggle), elles sont le plus souvent produites en Europe.

Mais de nombreuses variétés américaines, réputées plus fruitées, sont en fait déjà produites en France et en Europe, en effet dans une consultation de 2023, l’Agence Bio mentionne que sur les 10 variétés les plus utilisées par les brasseurs, 5 sont produites en France, 7 en Europe, c’est le cas des variétés Cascade, Chinook, Nugget, Centennial, Brewer’s Gold.
Les importateurs et brasseries artisanales en première ligne
Cette augmentation de droits de douanes pourrait impacter fortement les entreprises importatrices de houblon en Europe, à l’instar de Yakima Chief Hops, installée dans un entrepôt géant en Belgique depuis 2021 et ayant généré 83 millions de CA la première année d’implantation. Cette entreprise, issue de la réunion des 11 plus importants producteurs américains de houblon (9510 hectares de houblon tout de même) a déjà subi des déboires début 2025, toute la récolte de houblon bio 2024 a dû être bloquée pour cause de présence de résidus de pesticides supérieurs à la limite européenne, provoquant des ruptures d’approvisionnement chez les brasseurs.
Conséquence variée selon les pays
Une surtaxe sur le houblon US pèserait surtout sur la Belgique, qui importe quasi tout son houblon et ne produit qu’une fraction de ses besoins. En revanche, l’Allemagne, premier producteur européen de houblon et deuxième mondial produit largement plus de houblon qu’elle n’en consomme, elle pourrait facilement compenser par sa production nationale. La France, avec une moitié de ses volumes couverte localement, pourrait absorber partiellement la hausse en s’appuyant sur ses filières locales, plus dynamiques que dans le reste de l’Europe. Le Royaume-Uni, proche de la France sur ce point, devrait ajuster ses sources (Europe de l’Est, variétés locales) ou renoncer à certains styles. Dans tous les cas, les brasseurs artisanaux des pays les plus dépendants risquent d’augmenter leurs prix, tandis que les filières fortement implantées ou diversifiées seront les mieux à même de limiter l’onde de choc.

Crise du houblon américain : opportunité pour relocaliser les approvisionnements.
Si l’impact de ces droits de douanes peut être aussi important pour les brasseries s’étant rendus dépendant des importations américaines et d’une chaîne d’approvisionnement mondialisée, il peut être plus modéré, voir nul pour celles qui ont renforcé la robustesse de leur chaîne d’approvisionnement en favorisant un houblon plus local.
Olivier Malcurat et Théodore Bécquart en ont parlé dans le Podcast : “Crise du houblon américain bio : quelles solutions pour les brasseries européennes ?”
« C’est un vrai questionnement de souveraineté, c’est le sujet mondial aujourd’hui »
« On devrait mettre dans nos bières les ingrédients qu’on a localement, il faut partir plutôt d’une contrainte pour innover plutôt que d’innover en s’inspirant de ce qui se fait ailleurs, ce qui part d’une bonne idée, mais qui montre ses limites aujourd’hui »
Théodore BECQUART
Malgré les difficultés immédiates, cette crise est également une opportunité pour renforcer la souveraineté de la filière brassicole française. En effet, alors que les surfaces de houblon aux États-Unis diminuent fortement (-38,7 % de surface en bio entre 2022 et 2024 et -26% des surfaces totales entre 2021 et 2024), les filières locales européennes, et notamment françaises, se développent rapidement avec +65% d’augmentation de surface totales en France en 2023 vs 2013 dont 204 hectares cultivés en bio, en forte augmentation (vs 12 ha en 2013, soit +1500%!)
Coopérations régionales
Ce renforcement des filières locales, à l’instar des Hauts de France où plusieurs producteurs s’organisent pour mutualiser certaines actions, et plateformes comme brewstock.fr émergent pour faciliter l’accès direct brasseur ↔ producteur. Objectif : sécuriser les volumes, stabiliser les prix et offrir des profils aromatiques ancrés dans le terroir.
Une surtaxe sur le houblon US, si elle était appliquée, pourrait renchérir la pinte, surtout sur les styles très houblonnés. Mais c’est aussi une opportunité : développer la production locale, diversifier les variétés européennes et rendre la filière plus résiliente.